La communauté libanaise de Montréal se mobilise pour faire face à la crise au Liban - New Canadian Media
Le drapeau libanais à Beyrouth
Le drapeau libanais à Beyrouth, la capitale du Liban. Photo : Charbel Karam
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La communauté libanaise de Montréal se mobilise pour faire face à la crise au Liban

Alors que le Liban fait face à une crise économique, financière et politique majeure, la diaspora est plus mobilisée que jamais. Deuxième article dans notre série sur la communauté libanaise du Grand Montréal et des liens de solidarité qui la traversent.

« Vous êtes dans nos cœurs, et nous sommes avec vous », a déclaré Justin Trudeau à l’adresse des Libanais du Canada et d’ailleurs, deux jours après la double-explosion qui a ravagé Beyrouth et son port, le 4 août 2020. Le premier ministre a affirmé : « Nous savons que les Libanais se serreront les coudes et rebâtiront leur pays, comme ils l’ont fait auparavant, alors qu’ils surmontent cette tragédie », ayant notamment coûté la vie à deux citoyens canadiens. 

Une tragédie qui vient s’ajouter à la crise financière, économique, politique et sanitaire en cours, trente ans après la signature des Accords de Taëf (1989), entente de cessez-le-feu et de réconciliation nationale qui marque la fin d’un conflit dévastateur. C’est durant ces quinze années de Guerre civile que des dizaines de milliers de personnes viennent grossir les rangs de la diaspora libanaise installée à Montréal et dans ses environs. 

Depuis, les initiatives d’entraide au sein de la communauté libanaise de Montréal et avec son pays d’origine ne cessent de se multiplier. Un exemple de solidarité.

« Nous avons quitté le Liban, mais le Liban ne nous quitte pas un instant » 

Crée en 2000, la Fondation LCF (Liban-Canada Fonds) vise à soutenir l’éducation d’enfants à besoins spécifiques, à travers le financement d’associations œuvrant au Liban. « Quand il y a eu la pandémie, et surtout après les explosions du 4 août, les besoins de ces associations ont changé », explique Nicole Abdul-Massih, présidente de la Fondation. Une levée de fonds a dès lors été organisée auprès de la communauté libanaise de Montréal et du public québécois, afin d’amasser le montant nécessaire à l’achat de tablettes électroniques, pouvant permettre aux enfants de poursuivre une éducation à distance. 

Puis, avec l’aggravation de la crise économique, la Fondation a récolté 28 000$ pour l’achat de pain, destiné aux familles démunies de partout au Liban. « Avant de nourrir l’esprit, il faut nourrir les enfants », soutient Mme Abdul-Massih, pour qui l’éducation et le bien-être de sa communauté sont indissociables. 

Des artistes libanais et canadiens travaillent actuellement main dans la main pour récolter des fonds, dans le cadre d’une vente de tableaux organisée par la Fondation. 

Même si elle a été beaucoup sollicitée, la générosité de la communauté libanaise ne semble pas s’essouffler. Un trait culturel, selon Mme Abdul-Massih : « les Libanais étaient connus pour les tables généreuses qu’ils dressaient, et aujourd’hui les gens n’ont pas de quoi s’offrir un sac de pain », se désole-t-elle.

Port de Beyrouth après l'explosion en août 2020
Le port de Beyrouth en janvier 2021, 6 mois après l’explosion du 4 août 2020. Photo : Jo Kassis

L’éducation pour la reconstruction 

Au téléphone avec le New Canadian Media, Majed Ghattes prévient également contre une « situation vraiment terrifiante et alarmante ». Vice-président des communications à la Fondation Chambre de Commerce et d’Industrie Canada-Liban (FCCICL), qui a pour mission la promotion sociale et économique des citoyens canadiens d’origine libanaise, il constate une pression financière importante sur la communauté. 

« Cette année, on peut voir clairement une hausse remarquable des applications [au programme de bourses d’études] », affirme-t-il. Jusqu’alors destinée exclusivement aux citoyens canadiens d’origine libanaise, l’attribution des bourses est en voie d’être élargie aux étudiants internationaux libanais afin de répondre à la demande.  

Ventes d’art, campagnes de financement et programmes de bourses élargis: la communauté libanaise de Montréal se mobilise pour faire face à la crise au Liban« Il y a des étudiants qui ont déjà abandonné l’école et qui risquent leur permis d’étude, faute de financement ». constate cependant M. Ghattas. Certaines ententes individuelles ont été négociées entre des étudiants libanais connaissant des difficultés financières et leurs universités montréalaises, mais aucune mesure n’a été prise par le gouvernement du Québec pour apporter un support spécifique aux étudiants libanais, malgré les pressions de plusieurs organismes. 

Du côté de Tollab, la Fédération des Étudiants Libanais à Montréal, les demandes d’aide financières aussi ne cessent d’affluer. Selon sa présidente, Christelle el-Haddad, les boîtes mail de la Fédération sont inondées de messages de Libanais qui ont des questions sur les procédures d’immigration ou réclament carrément de l’aide pour quitter le Liban. 

La précarité économique et l’instabilité politique pourraient-elles provoquer une nouvelle vague d’immigration libanaise au Québec et dans sa métropole ? Seul le temps nous l’apprendra. Ce qui est certain, c’est que « dès qu’on a l’occasion de rentrer au Liban, on le fait tous », s’enthousiasme Mme Haddad, qui compte passer une partie des vacances d’été au pays du Cèdres. 

Un enthousiasme qui témoigne des liens forts qui unissent le Liban à sa diaspora. « L’éducation et la communauté sont vraiment des piliers solides dans la culture libanaise », confirme Majed Ghattas, laissant entendre qu’investir dans l’éducation permet d’investir dans la reconstruction d’un pays, au bord de l’effondrement. 

Si Nicole Abdul-Massih croit que le Liban a besoin d’une aide internationale, qui « dépasse les moyens des libanais de la diaspora », elle est ne désespère pas : « [la] contribution [de la diaspora] va au-delà de l’argent, c’est un soutien moral, c’est une façon de dire à nos familles et à nos amis au Liban: “Vous n’êtes pas seuls, il y a encore de l’espoir!” ».

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Adèle Surprenant est journaliste indépendante. Elle a travaillé en Amérique du Nord, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Europe, et s’intéresse aux questions liées à la migration, au genre, au travail et aux mouvements sociaux.

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