Au Québec, un accueil moins chaleureux pour les étudiants étrangers ? - New Canadian Media
Une jeune fille écrit dans un cahier dans un parc
Le Québec a peut-être des raisons de s'inquiéter d'encourager les étudiants internationaux des pays en développement à venir et à rester dans la province. Photo : RF._.studio via Pexels.
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Au Québec, un accueil moins chaleureux pour les étudiants étrangers ?

Dans la deuxième partie de cette série sur des étudiants étrangers au Québec, Christopher Chanco se penche sur le sort de ceux tiraillés entre la crise sanitaire et des changements apportés aux programmes d’immigration.

Pour des étudiants étrangers au Québec, la pandémie a mis en relief les inégalités systémiques touchant l’accès aux financements, aux papiers et à la résidence permanente. Quant à l’espoir de s’installer dans la Belle Province après ses études, l’avenir pourrait s’annoncer moins prometteur : notamment pour ceux provenant des pays en voie de développement. Face à la crise sanitaire et à un système d’immigration qui s’avère de plus en plus rebutant, certains déchantent.  

Aux yeux d’une étudiante de l’Afrique centrale à Montréal qui a parlé sous couvert d’anonymat, l’immigration provoque autant d’anxiété que la crise sanitaire.

« J’aimerais exercer mon métier ici, mais ça va dépendre vraiment de si le Québec me donne l’opportunité de rester ou de travailler ? ».

La réforme du Programme de l’expérience québécoise

Par rapport à l’Ontario et la Colombie-Britannique, le Québec a un taux beaucoup plus faible d’étudiants internationaux qui finissent par devenir des résidents permanents.

Selon ses opposants, des réformes apportées aux programmes d’immigration comme le Programme d’expérience québécoise (PEQ), mises en vigueur en pleine pandémie ont créé plus d’obstacles à l’acquisition du statut permanent. Après avoir terminé leurs études, des diplômés internationaux devraient maintenant obtenir jusqu’aux trois ans d’expérience de travail au Québec avant de devenir éligibles au programme.

Trouver un emploi dans le court laps de temps dont ils disposent après leurs études – et dans le contexte de la crise économique découlant de la pandémie – risque d’être un véritable calvaire.

 « J’ai beaucoup de collègues qui ont été découragés en raison des changements portés au PEQ », dit l’étudiante congolaise.

 « Ils ont peur de ne pas tomber dans les nouvelles réformes. C’est discriminatoire contre des étudiants qui ont été ici bien avant la pandémie et qui seraient là bien après ». 

Étudiante de maîtrise dans l’une des universités québécoises les plus réputées, elle est aussi impliquée dans sa communauté. Elle a travaillé avec des collègues et des étudiants provenant d’autres pays africains francophones qui, malgré leurs capacités linguistiques et expérience professionnelle, ont du mal à décrocher un emploi. On attend beaucoup plus des étudiants étrangers que d’autres avec les mêmes qualifications.

« On se demande : quelles sont nos perspectives d’emploi ? C’est plus facile d’embaucher un étudiant québécois avec beaucoup d’expérience professionnelle ici ». 

Au Québec, l’exclusion des travailleurs étrangers du marché d’emploi est un problème de longue-date. Les diplômes et l’expérience de travail obtenus dans leurs pays d’origine ne sont pas toujours reconnus.

Rester au Québec ?

Dieudonné Ella Oyono, économiste à l’Université du Québec à Montréal, demeure optimiste. Il s’oppose à la thèse que la pandémie et la réforme du PEQ risquent de repousser des étudiants étrangers à long terme.

« C’est vrai qu’il y a eu une réforme des politiques d’immigration touchant les étudiants internationaux mais la levée de bouclier suite à certaines décisions et le recul du gouvernement montrent que l’impact négatif appréhendé sera plus faible. 

Il y a une réelle volonté d’attirer et de retenir les étudiants internationaux ».

Comme dans le reste du Canada, des étudiants étrangers sont convoités pour leurs contributions économiques et scientifiques au Québec. Favorisés comme des candidats idéals pour immigrer, ils sont également une source importante de revenus universitaires dont leurs frais de scolarité représentent une part croissante. 

À peu près 10 pour cent de tous les étudiants de premier cycle inscrits dans des universités québécoises viennent de l’étranger. Des chercheurs internationaux, dont des doctorants et étudiants de maîtrise, représentent plus que la moitié.

Encore plus remarquable est la situation dans les universités anglophones de McGill et Concordia où des étudiants internationaux se chiffrent à un tiers de la population universitaire.

En contexte de pandémie, le Québec devrait-il s’inquiéter pour les inciter à venir, et rester, dans la province ?

La pandémie et l’accueil d’étudiants étrangers

C’est trop tôt pour bien saisir les impacts de la pandémie sur le recrutement d’étudiants internationaux par des institutions québécoises à longue-terme, d’après Mathieu Lefort, qui s’occupe de ce dossier à Montréal International. Son organisme a pour but d’attirer plus d’étudiants étrangers à Montréal tout en les encourageant à rester au Québec après leurs études.

« Nous travaillons actuellement pour réadapter nos  stratégies  à la nouvelle situation afin d’offrir nos services en ligne », dit-il. Il ajoute que des universités québécoises espèrent toujours recruter des étudiants étrangers, admettant qu’on pourrait s’attendre à un faible déclin d’inscriptions à court terme. 

En effet, on constate une chute légère de 8-9 pour cent quant aux inscriptions d’étudiants étrangers pendant l’année scolaire 2019-2020, et ce, selon des données fournies par le Bureau de coopération interuniversitaire.  Au départ, la fermeture des frontières aurait expliqué ce déclin. Les autorités fédérales ont déjà levé certaines restrictions de voyage en faveur des étudiants et travailleurs étrangers, leur permettant ainsi d’entrer sur le territoire canadien.

Le gouvernement fédéral a également changé ses règles autour du permis de travail postdiplôme. Convoité par des étudiants internationaux, ce permis de travail ouvert leur permet de travailler pour n’importe quel employeur canadien après avoir terminé leurs études. Accumuler de l’expérience de travail canadienne facilite l’obtention de la résidence permanente.

Un étudiant étranger pourra aussi terminer une bonne partie de son programme en ligne sans aucun impact sur son éligibilité pour le permis. Finalement, alors qu’il était naguère non-renouvelable, le permis pourrait être renouvelé ou prolongé pendant une période de 18 mois, et ce, en tenant compte des difficultés que des diplômés internationaux ont eu à trouver d’emploi en pleine pandémie.

M. Lefort soutient les nouvelles réformes. L’espoir de vivre et s’installer au Québec de façon permanente est un facteur majeur qui incite des étudiants étrangers à choisir des universités québécoises.

Tiraillés entre le fédéral et le provincial

Donnant à l’immigration une place centrale dans son programme de relance économique dans l’après-COVID, les autorités fédérales ont mis en place une loi temporaire pour faciliter l’octroi de résidence permanente aux diplômés étrangers francophones. Ceux qui se trouvent au Québec en sont pourtant exclus, face au refus du gouvernement québécois de participer dans le programme.  Certains ont soulevé la possibilité d’un exode d’étudiants et professionnels haut qualifiés vers d’autres provinces canadiennes.

Christian Bernard, l’économiste en chef de Montréal International, se demande si le Québec n’est pas en train de perdre la course aux étudiants étrangers depuis longtemps. Il souligne néanmoins que les services de l’immigration au niveau fédéral ne sont pas forcément plus accueillants envers des étudiants internationaux provenant de certains pays.

« Il y a un décalage entre le discours fédéral (qui se veut accueillant) envers des étudiants étrangers et ce qui se passe sur le terrain », dit M. Bernard.

Discrimination envers des étudiants des pays africains

Christian Bernard soulève un biais persistent contre des étudiants, souvent francophones, de l’Afrique sub-saharienne ou du Maghreb dont les permis et visas – même après avoir été sélectionnés par le Québec – se voient refusés par le gouvernement fédéral en raison de leur nationalité, leur capacité financière ou leur domaine d’études.

Il donne l’exemple d’un étudiant de la Guinée qui pourrait vouloir faire un programme en aérospatial ou en intelligence artificielle au Québec mais « qui se voit son visa refusé sur la base du fait qu’une telle industrie n’existe pas dans son pays d’origine et qu’alors il a la double intention d’immigrer au Canada, ce qui est une raison pour le lui refuser ».

M. Oyono fait le même constat : « déjà en temps normal, il y a des délais plus longs pour l’octroi de visas canadiens et de permis d’études dans certains pays, je pense notamment à l’Afrique sub-saharienne que je connais bien ».

En temps de pandémie, il nous met en garde contre les inégalités que les restrictions de voyage et notamment l’exigence d’un passeport vaccinal puissent renforcer. « La vaccination contre la Covid-19 ne se déploie pas à la même vitesse dans tous les pays. Il faudrait être vigilant dans les prochains mois pour surveiller cet enjeu ».

Cet article a été publié initialement en anglais.

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Having worked for a couple of years in the non-profit sector in Manila,
Christopher has written about aid and international development, human rights, immigration and armed conflict in diverse contexts. He is a member of the NCM-CAJ Collective and works as a freelance journalist.

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