«Le Mythe de la Femme Noire»: exposer les stéréotypes pour les déconstruire - New Canadian Media
Film documentaire Le Mythe de la Femme Noire. Photo : KFilms Amérique
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«Le Mythe de la Femme Noire»: exposer les stéréotypes pour les déconstruire

Une vingtaine de femmes noires d'origines et d'expertises diverses prennent la parole dans le premier long-métrage de la réalisatrice Ayana O'Shun.

En grandissant, l’actrice, scénariste et réalisatrice montréalaise Ayana O’Shun ne se reconnaissait pas dans les représentations des femmes noires qu’elle voyait au cinéma et à la télévision. Celles-ci étaient trop souvent collées aux stéréotypes de la femme séductrice, la figure maternelle asexuée ou la femme en colère.

Elle expose ces clichés dans son premier long-métrage documentaire Le Mythe de la femme Noire, à l’affiche au Québec depuis le 10 février. «Quand j’ai commencé à travailler comme actrice, les rôles pour lesquels j’auditionnais correspondaient à des stéréotypes très particuliers», confie à Métro Mme O’Shun.

«J’ai voulu faire un documentaire non seulement pour la petite fille que j’ai été et qui n’avait pas conscience du poids que ces stéréotypes avaient dans sa vie, mais aussi pour l’adolescente qui ne trouvait pas des modèles qui la ressemblaient».

La réalisatrice québécoise d’origine haïtienne explore dans son film l’image des femmes noires dans la société, de l’hypersexuelle Jézabel à l’aimable Mammie ou Nounou, en passant par l’insolente Bitch, dans le but de déconstruire les stéréotypes qui subsistent envers elles depuis des siècles.

Reconnaître la diversité de la femme noire

Co-produit par sa sœur Bianca Bellange de Bel Ange Moon Productions, le film donne voix à 21 femmes noires issues de différents milieux et générations, qui partagent leurs témoignages francs et leurs histoires passionnantes, appuyés par des images d’archives inédites allant des siècles passés jusqu’à nos jours.

Artistes, professionnelles, intellectuelles ou activistes, elles offrent un portrait percutant de «ce que signifie être une femme noire au XXIème siècle, au confluent des mouvements Me Too et Black Lives Matter».

«Je voudrais briser les mythes et montrer que les femmes noires ne sont pas une tour monolithique. Qu’elles sont diversifiées, avec des discours différents et avec des histoires riches à raconter», exprime Mme O’Shun.

«Tout changement commence par une prise de conscience et l’étendue des films documentaires peut être vraiment très surprenante» Ayana O’Shun, réalisatrice du film Le Mythe de la Femme Noire

Faire entendre la voix des femmes

En entrevue avec Métro, la docteure en philosophie et professeure à l’Université York Agnès Berthelot-Raffard, coprotagoniste du film, souligne que le film montre l’impact dans la vie quotidienne des femmes noires «des biais inconscients qui associent la féminité noire avec l’hypersexualisation ou la servilité».

Mme Berthelot-Raffard se réjouit de constater que le film puisse «restaurer la voix des femmes noires», mais déplore qu’encore de nos jours très peu de médiums francophones mettent en lumière les enjeux féministes noirs.

«Les questions qui touchent les femmes noires ne suscitent pas vraiment d’intérêt. Pour toutes les raisons qui sont évoquées dans le film, d’abord, mais aussi parce que, quand elles veulent parler de ça, on dit qu’elles brisent le consensus social. C’est comme le débat du racisme systémique dont on nie l’existence au Québec».

Pour la créatrice du premier cours au Québec sur les questions féministes noires, le film s’avère un médium efficace pour des femmes noires de tout âge qui ont peut-être «intériorisé des mécanismes d’oppression».

«Elles vont pouvoir valider leur vécu, leurs émotions, leurs sentiments», estime-t-elle.

Avoir des rôles modèles

«C’est très mobilisateur pour de jeunes filles de voir 21 femmes accomplies dans des domaines divers, qui ont réussi à déconstruire le mécanisme pour elles-mêmes pour pouvoir avancer. Ça leur dit que c’est possible pour elles aussi d’y arriver», exprime Dre Berthelot-Raffard, inspirée elle-même par l’autrice, philosophe et activiste américaine Angela Davis.

«Si je suis devenue docteure en philosophie, c’est parce qu’à l’âge de 17 ans, j’ai lu sur la quatrième de couverture de son livre autobiographique qu’elle était docteure en philosophie à une université de Berlin. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé, pour la première fois, qu’une femme noire pouvait être docteure en philosophie», nous confie-t-elle.

Primé à sa première

Le film distribué par K-Films Amérique a été présenté en première à l’automne 2022 aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal, où il a remporté le Prix Magnus-Isacsson.

À l’affiche à Montréal, Saint-Bruno, Québec et Sherbrooke depuis le 10 février, le Mythe de la Femme Noire fera partie de la programmation des 41e Rendez-vous Québec Cinéma, présentés du 22 février au 4 mars.

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Diplômée en administration des affaires (ITESM, Mexique), enquête et renseignement et journalisme (UdeM), Karla Meza débute sa carrière comme journaliste indépendante en 2019 s’intéressant davantage aux enjeux liés à la migration forcée et aux défis des communautés marginalisées au Canada, au Moyen-Orient et en Amérique latine. Passionnée du storytelling audiovisuel, elle a réalisé et produit un documentaire indépendant portant sur la situation des réfugiés syriens au Liban, ainsi que des courts vidéo-reportages dont un portant sur la résilience des femmes autochtones au Sud du Mexique. Karla Meza est journaliste au comité citoyen chez Métro Média.

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